Une femme en contre-jour / Gaëlle Josse

Une femme en contre-jour / Gaëlle Josse.- Paris : Les Ed. Noir sur blanc, 03/2019, 153 p.





A la recherche de Vivian Maier, documentaire de John Maloof et Charlie Siskel, a révélé au grand public, une très grande photographe, pourtant ignorée de tous. Maier est à la Photographie ce que Pessoa est à la Littérature : une sublime surprise, une révélation. Tous deux sont créateurs d’une œuvre cachée, l’une stockée dans des cartons, l’autre enfouie dans une malle, dont chaque découverte a fait un trésor.

Depuis ce film, le nom de Vivian Maier n’est plus inconnu. Ses photographies, -portraits d’ouvriers, de personnes âgées, de chômeurs, d’enfants, d’autoportraits- sont facilement visibles sur la toile.

Mais le point de vue de John Maloof était de révéler la photographe, son regard si particulier, et son œuvre, qu’il a découverte par hasard en achetant des images sur internet. Son but a été de rendre à Vivian Maier la renommée qu’elle mérite comme grand photographe qu’il nous a révélé qu’elle est indéniablement, et qu’elle a toujours été.

Dans Une femme en contre-jour, Gaëlle Josse fait bien plus le portrait de la femme, solitaire, mystérieuse, indépendante, si fière ! Nous n’écrivons, nous ne lisons, nous ne créons jamais rien par hasard. Comme le sujet de création que nous choisissons est lié à notre histoire personnelle, nos souvenirs, qui nous font interpréter ce sujet d’une manière subjective, selon notre passif. 
Gaëlle Josse dit se sentir proche de Vivian Maier, de ce qu’elle en a vu, lu, et de ce qu’elle en a compris. Son portrait de Vivian est intimiste, comme si elle en avait vraiment fait la connaissance, grâce à un énorme travail documentaire sur les archives disponibles. 

John Maloof brossait la personnalité de Vivian Maier sans complaisance. Des témoignages d’enfants devenus adultes étaient accablants, et dévoilaient un trouble psychique de cette femme, qui mettait mal à l’aise. Gaëlle Josse n’est pas une portraitiste si bienveillante qu’elle en deviendrait aveugle. Elle parle aussi de ses fragilités, des failles de la photographe, surtout sur sa fin de vie. Mais en montrant Vivian Maier sous toutes ses facettes, en en faisant une femme étonnante, indépendante, si passionnée. Ce qui ne l’empêche pas ici de lui faire prendre parfois la forme du Horla de Maupassant, Gaëlle Josse nous la montrant aussi, troublante d’être si troublée, de craindre des présences étrangères qui viendraient la visiter.

Les troubles psychiques dont souffraient Vivian Maier ne l’empêchaient pas d’avoir une force très rare : celle de croire en elle, et de connaître la valeur de son art, de sa maitrise de la prise de vue. Peu de clichés ont été développés. Vivian Maier a elle-même transformé une salle de bain personnelle que ses employeurs lui avaient aimablement octroyée en chambre noire. Mais lorsqu’elle arrêta d’être la nourrice de leurs fils, ce délice de découvrir les images de ce que son regard avait immortalisé s’est définitivement interrompu. Et ses pellicules se sont accumulées dans ses cartons qu’elle a finit par confier à un garde-meuble.

Gaëlle Josse se demande pourquoi Vivian a accepté de garder son travail invisible, et n’a pas fait des démarches pour pousser les portes qui lui auraient permis de se faire développer, et pourquoi pas d’être reconnue.
Je crois qu’il n’y a pourtant là aucun mystère. Vivian n’avait pas les moyens financiers pour qu’un photographe lui développe ses clichés. Et la seule lettre envoyée dans cet objectif à un photographe aux Etats-Unis où elle vivait dans les années 60, s’est soldée par un échec. L’homme n’avait pas le temps. L’homme n’avait pas le sentiment qu’il allait passer à côté de quelque chose de si merveilleux. S’il avait su !!!

Vivian n’a pas su être convaincante. Mais Vivian Maier est, au plus profond d’elle, convaincue que son travail a de la valeur, et que ses prises de vue ont de l’intérêt, bien qu’elle n’ait jamais montré ses photographies à personne. Une magnifique confiance en elle et en ce qu’elle a créé, crée tous les jours !

Ce portrait de Vivian Maier, qui arrive après sa découverte par le documentaire de John Maloof est extraordinaire. Gaëlle Josse y évoque l’histoire familiale de cette femme, et sa passion pour la photographie, art auquel Vivian aura consacré toute sa vie.

© Véronique Meynier, Mon Blog Littéraire de Conseils de Lecture - Ma Bibliothèque Idéale. Article publié le 06/10/2023 à 10h.

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