J'aime avoir peur avec toi / Catherine Chaine
J'aime avoir peur avec toi / Catherine Chaine ; Photos de Marc Riboud.- Paris : Seuil, 05/2004, 90 p.
Catherine Chaine et Marc Riboud sont devenus parents de Clémence, le 4 Octobre 1981. Catherine devint mère d'une enfant trisomique, et ne l'accepta jamais.
Cet essai autobiographique, est écrit vingt-deux après cet instant qui a brisé quelque chose en elle, d'irréparable par trop de douleur, de déception et de fureur, un témoignage poignant et fort de cette maternité si particulière.
L'annonce du handicap a été brutale, et Catherine Chaine qui avait par trois fois demandé l'examen de l'amniocentèse, en veut éperdument au corps médical de ne pas avoir pu bénéficier de cet examen, qui aurait évité ce drame, cette naissance différence, non souhaitée, qui ne sera jamais assumée.
Témoignage fort et franc, il est susceptible de choquer, par trop de sincérité.
A l'interne qui demande aux parents s'ils ont des questions, la seule que la jeune mère désespérée soulève est de savoir s'il est possible de faire mourir son enfant.
Le temps a rempli comme souvent son rôle en créant une affection entre les membres de cette famille, dont le départ a été rude.
Mais Catherine Chaine va au bout de son courageux témoignage en expliquant qu'une distance entre elle et sa fille ont toujours été nécessaires, et qu'elle n'aurait pas été capable d’élever au jour le jour son enfant. Clémence a vécu en pension, et revient pour les vacances chez ses parents.
Mais être mère est déjà un travail de patience et d'abnégation pour un enfant qui détient une personnalité "normale". Devenir mère d'un enfant trisomique n'est sûrement pas facile, et l'annonce de l'handicap lors de l'accouchement est forcément un traumatisme dont on ne sort pas indemne.
Ce témoignage rappelle "Ou on va papa" de Jean-Louis Fournier, qui avec humour montrait les difficultés quotidiennes que vivent les parents d'enfants souffrant de cet handicap.
Catherine Chaine fait preuve de beaucoup d'humilité et de courage, en avouant que cette maternité n'a pas pu être surmontée, et que sa mission de mère, elle l'a confiée à d'autres, capables d'aimer son enfant en oubliant cette différence, et de faire preuve d'infinie patience dont ces enfants ont absolument besoin, et dont elle été dénuée.
Très joli texte, fort et grave, qui porte à jamais tout le poids d'une naissance qui est susceptible de détruire les rêves que toute mère développe sans pouvoir les rayer de son imaginaire.
A ceux qui s'offusqueraient de cette vérité dérangeante : être mère n'est pas toujours un don du ciel et un cadeau, seule l'expérience vécue parle et témoigne des failles réelles, des traumatismes ressentis et qui perdurent. Impossible de juger une situation que l'on a pas expérimentée, à moins d'être manichéen ou moraliste.
(c) Véronique Meynier, le 03/07/2015. Article mis à jour le 20/01/2022.
Sur le même sujet, lire aussi "Où on va papa" de Jean-Louis Fournier.
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