Trop / Jean-Louis Fournier


Trop / Jean-Louis Fournier.- Paris : La Différence, 2014. 184 p.

Pas d’effet de manche ni d’effet de style, dans ce petit essai  qui se lit en une heure.

On pourrait même faire le reproche à Jean-Louis Fournier d’utiliser un procédé facile et de publier un livre sur une idée originale au début, mais qui perd forcément de son intérêt à la fin de l’ouvrage.


L’auteur liste une quarantaine de domaines (radios, livres, produits de beauté ou produits laitiers).
Tous les thèmes se succèdent au fil de «chapitres», qui ne se résument parfois qu’aux noms des stations de radio ou des parfums de yaourts.

Mais cet essai me plaît.
D’une manière rusée, Jean-Louis Fournier qui ne semble pas approfondir le sujet, mais seulement examiner d’un air amusé l’abondance et la variété des produits proposés dans les hypermarchés, pointe du doigt le ridicule de notre société de consommation outrancière.
Il met l’accent sur la transformation absurde qu’a subi tout objet : un produit de consommation à seule valeur marchande sans valeur d’usage ou liée à un réel besoin.

La variété des produits et l’embarras du choix aboutissent à des situations cocasses : un enfant jugé original car il choisit un yaourt «nature», alors que tant de choix plus sophistiqués, plus attendus existent, et que le naturel paraît être le choix du «pauvre», le mauvais choix.

Grotesque aussi, mais pas absurde d’assister aux courses d’une ménagère venue chercher un produit de nettoyage, et la voir culpabiliser, regretter son achat par doute sur LE choix qu’elle a fait.
Dans ce rayon gigantesque, a-t-elle su sélectionner le produit dont elle avait besoin ? Pas sûr.

Critique enfin de cette société où l’argent est roi, et où la valeur des choses est réduite à néant.
Critique d’une société où la quantité a remplacé la qualité, où l’enfant gâté, blasé ne fait plus attention aux cadeaux qu’il reçoit, trop nombreux, trop prévisibles, sans intérêt puisque sans surprise ni attente.

Dernier plaisir de ce livre : une scène dans une pâtisserie où deux enfants viennent manger un gâteau. L’un habitué à consommer tout sans retenue ni modération a les yeux plus grands que le ventre et aura une indigestion, et un autre qui n’a qu’une pièce et qui se régale déjà des yeux pour ne pas gaspiller sa pièce et faire le bon choix, en prenant un plaisir désuet et essentiel, celui de l’attente et de l’excitation de celui qui ne pourra pas tout s’acheter.

«Trop» de Jean-Louis Fournier n’est pas l’essai du siècle.
Mais pour la fraîcheur, la sincérité de Jean-Louis Fournier, et pour la vérité qu’il contient : que notre société de consommation est à changer, que l’excès dans lequel elle nous entraîne est le nouveau fléau du siècle, je vous le conseille.

Dans le même genre, sur un thème très proche, je vous recommande aussi «Regarde les lumières mon amour», le dernier essai d’Annie Ernaux.

(C) Véronique Meynier, le 14/07/2014






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