En finir avec Eddy Bellegueule / Edouard Louis


En finir avec Eddy Bellegueule : roman / Edouard Louis. Paris : Seuil, 2014. 219 p.





100.000 exemplaires vendus pour ce 1er roman, un best-seller dont tout le monde parle...
Impossible de passer à côté et ne de pas avoir envie de se faire une idée sur ce jeune auteur de 21 ans, que la critique et le public sont actuellement unanimes à plébisciter. Etonnant, comme les critiques sont toutes dithyrambiques.

Effectivement, le "roman" se lit d'une traite.
Il est prenant, stupéfiant et d'un style agréable qui ne laisse aucun temps mort.

Mais merci à Edouard Louis, alias Eddy Bellegueule, d'avoir ajouté le sous-titre "roman", car la précision n'est pas, à la lecture, évidente. Ce premier roman a tout du récit témoignage, d'une enfance malheureuse, vécue dans une misère sociale et culturelle où l’alcool, le sexe, la violence font partie du quotidien.

Eddy Bellegueule, homosexuel, a très tôt été rejeté par sa famille et ses camarades de collège de Picardie.
Sa différence était la risée de ses parents et des autres enfants du village où il a vécu, et où il a été le souffre-douleur d’adolescents.

Mais si ce récit attriste, interpelle, il a tout d’un règlement de compte.
L’auteur tire à bout portant sur sa famille –pauvre, violente, vulgaire- pour laquelle il n’a aucun recul, mais tant de rancoeur. Ce milieu social qu’il déteste, et dont il prend très vite la fuite a ses limites, certes.

Mais, ce roman qui a de vraies qualités littéraires, m’a aussi mise mal à l’aise.
Edouard Louis donne des détails sur son enfance, très personnels et parfois insoutenables, sans que les scènes qu’il décrit avec crudité n’apportent plus d’intérêt à son roman.
Cette impudeur faite de moments de souffrance dans un milieu social défavorisé met plutôt en accusation une classe sociale où il est né, d'une manière trop appuyée.

L’engouement que provoque «En finir avec Eddy Bellegueule» me semble donc excessif. Je suis plus partagée sur le talent d'Edouard Louis.
Dans le même esprit, j’ai de loin préféré «Pourquoi être heureux quand on peut être normal» de Jeanette Winterson. Homosexuelle elle-même, et issue d’une famille qu’elle n’aurait pas choisie, elle s’est forgée par la culture et sans jamais renoncer à ses particularités, ses différences que tout le monde lui reprochait.
Simplement, Winterson a fait les choses plus en douceur, sans jamais renier ses origines, même si comme Eddy Bellegueule, elle a choisi de les fuir (mais pas de faire leur procès).     

Pas un mauvais moment de lecture du tout, mais pourquoi les médias portent-ils tant ce livre à l'honneur, et ne parlent pas d'autres auteurs, nouveaux ou plus vieux qui font moins parler d'eux, car leur écriture est moins provocante mais bien plus intéressante ?

(c) Véronique Meynier, le 23/03/2014



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