Après le silence / Didier Castino
Après le silence / Didier Castino.- Paris : Liana Levi, 08/2015, 221 p.
Une autre idée de lecture sur la classe ouvrière : A la ligne : feuillets d'usine de Joseph Ponthus.
Ce premier roman de Didier Castino est un portrait magnifique de la classe ouvrière de la France des années 70, de la dureté du travail, dont Louis Catella, mouleur aux Fonderies et Aciéries du Midi, parle au plus jeune de ses fils.
Particularité de ce roman, le narrateur meurt brutalement, écrasé par la meule de sept tonnes qui tombe de son crochet et provoque à 43 ans sa mort, laissant son fils de sept ans orphelin.
Dans le but de ne pas le choquer, ce petit garçon sera exclu des obsèques, et la mort de son père ne lui sera pas dévoilée tout de suite. Il ne sera informé que du fait que son père a eu un grave accident.
Louis Catella, dans un dialogue imaginaire raconte à son fils son histoire, l'usine qui prend toute la place, l'épuise, le vide de toute autre aspiration que de gagner son salaire pour pouvoir partir quelques jours en vacances avec sa famille, serrés tous les cinq dans leur 2 CV. Et peut-être qu'après toutes ces années de travail, un jour viendra où il pourra s'offrir une maison.
Ce père si travailleur, mort à l'usine, est devenu le héros de la famille. Rose, sa veuve adapte ses souvenirs pour que Louis ne reste dans la mémoire familiale qu'un homme courageux, leur héros, quand son fils imagine lui, que sa position d'ouvrier soumis ne lui a jamais laissé entrevoir les risques du travail éreintant qui le tuait un peu tous les jours, avant de provoquer brutalement sa mort.
Trente ans plus tard, c'est le fils qui brosse le portrait de son père, alternant entre colère, jugement, honte et fierté. "Une vie d'ouvrier, on la vit, on ne la raconte pas. On n'a pas les mots. Moi je la raconte. Je la raconte parce que je sais écrire, j'ai fait des études et j'ai du vocabulaire." (p. 209).
"Je ne suis pas ouvrier et tu dois être fier. J'ai rompu la malédiction, l'ascension sociale a fonctionné pour moi. Je n'ai jamais mis les pieds dans une usine, je n'en connais pas l'odeur, la chaleur." (p. 219).
Le fils qui alterne entre dégoût de l'usine, et ode aux travailleurs qu'il ne faut jamais oublier, aux ouvriers trop nombreux, morts des conditions de travail si difficiles qu'ils supportaient et pour lesquelles aucune alternative n'existait. La vie à l'usine était la seule possible, et représentait la sécurité pour la famille qui avait besoin de ce salaire pour le quotidien.
Ode au père, aux origines, aux attaches familiales, à la classe ouvrière, aux travailleurs, ce premier roman de Didier Castino qui d'un dialogue imaginaire fait se retrouver un fils et son père, et renoue le lien, la fidélité aux valeurs transmises par la famille, dont le sens et le socle sont les seules choses qui comptent, ce dont il faut être fier.
Style remarquable et sujet rare dans un roman, où l'usine n'est pas habituellement le thème principal de l'histoire. Roman brillant, à découvrir sans risque de déception.
Grand coup de cœur de ce début d'année 2019, et révélation d'un auteur que je découvre avec ce roman, très enthousiaste !
ⓒ Véronique Meynier, le 09/02/2019. Article mis à jour le 06/06/2021.
Dans le but de ne pas le choquer, ce petit garçon sera exclu des obsèques, et la mort de son père ne lui sera pas dévoilée tout de suite. Il ne sera informé que du fait que son père a eu un grave accident.
Louis Catella, dans un dialogue imaginaire raconte à son fils son histoire, l'usine qui prend toute la place, l'épuise, le vide de toute autre aspiration que de gagner son salaire pour pouvoir partir quelques jours en vacances avec sa famille, serrés tous les cinq dans leur 2 CV. Et peut-être qu'après toutes ces années de travail, un jour viendra où il pourra s'offrir une maison.
Ce père si travailleur, mort à l'usine, est devenu le héros de la famille. Rose, sa veuve adapte ses souvenirs pour que Louis ne reste dans la mémoire familiale qu'un homme courageux, leur héros, quand son fils imagine lui, que sa position d'ouvrier soumis ne lui a jamais laissé entrevoir les risques du travail éreintant qui le tuait un peu tous les jours, avant de provoquer brutalement sa mort.
Trente ans plus tard, c'est le fils qui brosse le portrait de son père, alternant entre colère, jugement, honte et fierté. "Une vie d'ouvrier, on la vit, on ne la raconte pas. On n'a pas les mots. Moi je la raconte. Je la raconte parce que je sais écrire, j'ai fait des études et j'ai du vocabulaire." (p. 209).
"Je ne suis pas ouvrier et tu dois être fier. J'ai rompu la malédiction, l'ascension sociale a fonctionné pour moi. Je n'ai jamais mis les pieds dans une usine, je n'en connais pas l'odeur, la chaleur." (p. 219).
Le fils qui alterne entre dégoût de l'usine, et ode aux travailleurs qu'il ne faut jamais oublier, aux ouvriers trop nombreux, morts des conditions de travail si difficiles qu'ils supportaient et pour lesquelles aucune alternative n'existait. La vie à l'usine était la seule possible, et représentait la sécurité pour la famille qui avait besoin de ce salaire pour le quotidien.
Ode au père, aux origines, aux attaches familiales, à la classe ouvrière, aux travailleurs, ce premier roman de Didier Castino qui d'un dialogue imaginaire fait se retrouver un fils et son père, et renoue le lien, la fidélité aux valeurs transmises par la famille, dont le sens et le socle sont les seules choses qui comptent, ce dont il faut être fier.
Style remarquable et sujet rare dans un roman, où l'usine n'est pas habituellement le thème principal de l'histoire. Roman brillant, à découvrir sans risque de déception.
Grand coup de cœur de ce début d'année 2019, et révélation d'un auteur que je découvre avec ce roman, très enthousiaste !
ⓒ Véronique Meynier, le 09/02/2019. Article mis à jour le 06/06/2021.
Commentaires
Enregistrer un commentaire