Grandir / Sophie Fontanel
Grandir / Sophie Fontanel.- Paris : Robert Laffont, 08/2010, 144 p.
Grandir est un témoignage touchant, affectueux, d'une fille face à la vieillesse de sa mère.
"Ces temps-ci, quand je pense à ce que j'essaie de sauver, je ressens un tel besoin d'aide que ça me fait trembler. Aider quelqu'un, je le sais maintenant, c'est avoir aussitôt soi-même besoin de secours. Et ces jours, je bois toute sympathie comme un buvard, et la moindre bonté me fait l'effet de l'amour." (1ère ligne).
"Première chute de ma mère, il y a quatre ans. A l'époque, ah la débutante que j'étais, je croyais encore qu'on pouvait aider sans se vouer." (p. 19).
Sophie Fontanel évoque la vieillesse de sa mère, qui, peu à peu, lui ôte liberté de faire, d'agir, de se souvenir. Des risques que ce grand âge impliquent. Et de cette dépendance dans laquelle elle plonge, qui oblige la présence d'aidants, pour qu'ils puissent la protéger, sécuriser ses gestes au quotidien. L'empêcher de se mettre trop en danger. Aidants dont la fille est la première de l'équipe, celle forcément la plus investie dans cette mission où l'approximation de l'attention et la désinvolture du geste propice à sécuriser, ne peuvent pas être imaginés.
Et si LA Mère est celle dont la fille -quelque soit son âge de femme atteint- attend toujours l'attention, les recommandations, la protection maternelle, forcément, les rôles s'inversent, et à un moment, c'est au tour de l'"enfant" de prendre soin de celle qui lui a donné la vie et tout son amour.
Mais Sophie Fontanel évoque en douceur cette situation qu'il faut vivre pour en comprendre toutes les nuances. Et réaliser l'ampleur du dévouement, du temps, d'oubli de soi que cette attention filiale provoque.
Ce que ce soin à la mère génère c'est également une fatigue immense -l'inquiétude permanente que douleurs ou accidents surgissent- et l'obnubilation, la pensée bloquée sur l'amour et la peur que cette mère vive des moments douloureux, face auxquels on ne peut rien faire.
Grandir souligne la transition de notre personnalité face à une situation pareille, où nous devenons quelque peu la mère de notre mère, et transformons notre regard et attention sur l'Autre, et notamment sur les personnes âgées. Que nous nous mettons à regarder avec un esprit doux et bienveillant, voulons aider plus qu'avant, dans notre quotidien où elles deviennent par association de Celle que l'on aime, des êtres fragilisés que nous souhaiterions toujours en sécurité.
Joli essai qui se lit d'une traite, sans émotion excessive. Mais dans une atmosphère où affection, attention, confiance, réchauffent le cœur du lecteur.
ⓒVéronique Meynier, Article écrit et mis en ligne le 06/06/2024 à 17h06 et mis à jour à 17h33 sur Mon Blog Littéraire de Conseils de Lecture : https://conseilsdelectures.blogspot.com/
Commentaires
Enregistrer un commentaire