Trois jours et une vie / Pierre Lemaitre



Trois jours et une vie / Pierre Lemaitre. Paris : Albin Michel, 03/2016, 279 p.

Citations de Pierre Lemaitre.



Dans son dernier roman, Trois jours et une vie, Pierre Lemaitre, Goncourt 2013 pour Au revoir là-haut, imagine un homicide commis en  1999, sur la personne de Rémi Desmedt, 6 ans, dans la commune de Beauval.

Destin brisé pour la famille du garçonnet, victime d’Antoine, 12 ans, enfant solitaire, qui d’un geste de colère devient assassin.

Si les circonstances de ce terrible accident sont immédiatement exposées au lecteur (la mort brutale d’Ulysse, chien des Desmedt, pour lequel Antoine ressent une intense affection  et dont la perte le bouleverse, le met dans une folle rage), c’est avant tout la culpabilité, la peur, le mensonge et la lâcheté qui sont au cœur de l’écriture.

Ce qui importe à Pierre Lemaitre est de glisser le lecteur dans la tête d’Antoine pour ressentir au plus près l’ambivalence des sentiments du jeune meurtrier, dont l’acte commis pèsera pour toujours, et orientera à jamais les décisions de l’existence.

Si la culpabilité est palpable à l’instant de l’accident, le temps qui passe inverse radicalement les instincts d’Antoine qui s’il regrette son geste et ressent une peine sincère pour ses proches, ne cherche assez vite qu’à sauver sa peau, en espérant être le seul à connaître la vérité pour ne jamais avoir à payer son crime.

Même si le prix à payer sera éternellement de renoncer à ses rêves, et à la vie à laquelle il aspirait (vivre aux côtés de la femme qu’il aime ou devenir médecin humanitaire), pour consentir à passer ses jours auprès d’une femme qu’il méprise, mais dont la compagnie assurera une quasi garantie de conserver son secret bien enfoui et pas prêt d’être déterré.  Une vie de déni, de renoncement et de silence, la seule susceptible de mettre un voile sur une vérité qui ne doit pas éclabousser une existence qui se terre, est éteinte et morne,  qui préfère survivre pour ne pas éveiller les soupçons et la curiosité des gens, en gagnant au fil des années la confiance que donne facilement la population à n’importe quel homme devenu son dévoué médecin de famille.

Mais ce silence sera-t-il conservé à jamais ? Ce crime impuni s’est-il déroulé dans une forêt si déserte et anonyme, sans aucun témoin. Si Antoine n’a jamais été accusé ou jugé, est-il absolument certain qu’il n’existe de cette époque aucun être susceptible d’avoir assisté à son crime, capable d’une parole de faire basculer son existence ?

© Véronique Meynier, 05/06/2016

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