Jean Ziegler / Les murs les plus puissants tombent par leurs fissures

Les murs les plus puissants tombent par leurs fissures / Jean Ziegler ; dialogue avec Denis Lafay.- La Tour d'Aigues : Ed. de l'Aube, 02/2018, 91 p.





Cet entretien constitue une belle initiation pour découvrir qui est Jean Ziegler, et son engagement sans faille pour les hommes.

Professeur de sociologie à l'Université de Genève. Rapporteur spécial des Nations Unies pour le Droit à l'Alimentation de 2000 à 2008, il est aujourd'hui Vice-Président du Comité consultatif du Conseil des Droits de l'Homme à l'ONU.

Son parcours et les fonctions qu'ils a occupées forcent déjà le respect, et en disent long sur la pérennité de son engagement et de son humanité.

Jean Ziegler semble n'avoir qu'un leitmotiv : défendre l'homme et remettre en question toutes les décisions internationales qui font perdurer la pauvreté et la famine.

Les murs les plus puissants tombent par leurs fissures est un véritable coup de poing. Il met en évidence que la sécurité alimentaire, et l'éradication de la famine ne tient qu'à un fil... financier, et que le problème n'est pas d'avoir trop peu de vivres pour nourrir tous les hommes, mais plutôt d'arrêter de décider de laisser mourir de faim ceux qui n'ont pas les moyens de les payer.

"La FAO nous apprend que l'agriculture mondiale pourrait nourrir sans problème 12 milliards d'êtres humains, donc presque le double de  l'humanité actuelle. Le problème aujourd'hui n'est plus la production insuffisante de la nourriture, mais le manque d'accès pour tous." (p. 21).

Et dans ce monde où le cours du blé a plus de valeur que la vie d'un homme, "selon le Rapport sur l'insécurité dans le monde de la FAO, un enfant de moins de dix ans meurt de faim ou de ses suites immédiates toutes les cinq secondes." (p. 20).

Jean Ziegler et son engagement est salutaire. Il incite, oblige à réapprendre à raisonner, à s'informer VRAIMENT, à développer son sens critique.

Ziegler déglingue dans ces entretiens Malthus, qui estimait que la mort par la faim et la pauvreté était un "mal nécessaire" qui protégeait le monde de surpopulation.
Cette thèse inhumaine n'a pour Ziegler eu qu'une fonction de déculpabilisation de ceux qui sont aux commandes et pourraient inverser la courbe, orienter les choix de la production agricole et de sa distribution d'une manière plus juste. Et pour Ziegler, Malthus est mort et enterré, ses théories ne sont plus enseignées comme exactes, mais aberrantes, ou scandaleuses.

Mais, Jean Ziegler n'est-il pas plein de bons sentiments qui n'auront pas d'écho suffisant par les décideurs, et ne se bat-il pas contre des chimères, des systèmes qui ne sont pas prêts d'être radicalement bouleversés ? Hypothèse d'un Ziegler qui serait un grand utopiste et un idéaliste, mais dont la voix n'est pas entendue par tous, pas assez de ceux qui commandent le monde. 

D'ailleurs et malheureusement,  le fait est que la théorie malthusienne n'est pas tombée dans l'oubli mais qu'elle est toujours exposée comme une base à la réflexion, le magazine Sciences Humaines de 02/2019 y rassemble les grandes idées d'aujourd'hui dans un abécédaire, et consacre un article de 4 pages, sur la "Référence" Malthus, "premier théoricien de la surpopulation", article écrit par  Hélène Frouard, qui pose la question de l'intérêt que le théoricien conserve en 2019, mais conclut son article en associant Malthus à la question moderne de la pollution liée à l'explosion démographique qui se pose maintenant).

Malgré les divergences d'autres auteurs qui ne manqueront pas d'appuyer d'autres causes à la famine et à la pauvreté, Les murs les plus puissants tombent par leurs fissures montre un homme extrêmement engagé et plein de convictions. Sa mobilisation pour faire bouger les lignes, et que les systèmes économiques transitent et changent enfin de vision, en protégeant plus l'homme que les devises force le respect par l'intégrité de cet homme, qui n'a jamais changé de cap. Il ne sait pas s'il arrivera un jour à destination. Mais c'est sûr qu'il sait OU il veut aller !

L'objet de son combat et le contenu de son discours ne peuvent que forcer l'admiration et le respect du lecteur qui découvrira par ses entretiens son œuvre si engagée.

ⓒ Véronique Meynier, le 06/05/2021.  

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